Invoquer l’abus de faiblesse dans les arnaques : un atout méconnu mais puissant.

image illustrant des personnes agees qui se font arnaquers ce qui exprime un abus de faiblesse

Introduction

Dans le paysage des fraudes et escroqueries, certains mécanismes juridiques demeurent sous-utilisés, alors qu’ils offrent des voies de recours efficaces pour les victimes. L’abus de faiblesse, prévu et réprimé par l’article 223-15-2 du Code pénal, est l’un de ces outils puissants. Cet article vise à expliciter le concept, les conditions de mise en œuvre et les procédures permettant d’invoquer l’abus de faiblesse pour renforcer la protection des victimes d’arnaques.

I. Définition et fondement juridique

  1. Texte légal : l’article 223-15-2 du Code pénal sanctionne « le fait, par une personne, d’exploiter, à des fins de profit, l’état de ignorance ou de vulnérabilité d’une personne, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, ou à un état de dépendance,… ».
  2. Finalité : protéger les personnes vulnérables contre toute manipulation ou exploitation malhonnête.

II. Conditions de caractérisation

  1. La qualité de victime vulnérable : décréter l’état de faiblesse (âge avancé, maladie, situation de précarité ou de dépendance).
  2. L’intention de l’auteur : démontrer que l’auteur a sciemment exploité cette vulnérabilité.
  3. Le lien de causalité : établir que l’abus a été déterminant dans le choix de la victime de consentir à l’acte frauduleux.

III. Preuve et éléments probatoires

  • Expertises médicales ou sociales : certificat de vulnérabilité, rapports de médecin généraliste, psychologue.
  • Échanges écrits et enregistrements : courriels, SMS, enregistrements téléphoniques, témoignages.
  • Analyse financière : relevés bancaires montrant l’ampleur des préjudices.

IV. Jurisprudence significative

  • Cass. crim., 3 novembre 1996 (Bull. crim. n° 255) : première application large de la notion d’abus de faiblesse.
  • Cass. crim., 13 janvier 2015, n° 14-80.636 : précision sur le lien de causalité entre l’état de faiblesse et l’acte de disposition.

V. Procédure d’action

  1. Dépôt de plainte : devant le procureur de la République ou le doyen des juges d’instruction.
  2. Constitution de partie civile : si l’on souhaite déclencher une information judiciaire.
  3. Mise en mouvement de l’action civile : assignation devant le tribunal judiciaire pour obtenir réparation.

VI. Avantages et limites

  • Atouts : incrimination spécifique, sursis à statuer possible, alternatives aux poursuites classiques.
  • Limites : forte exigence probatoire, expertise coûteuse, durée de la procédure.

VII. Recommandations pratiques

  • Anticiper : recueillir immédiatement toutes pièces (médicales, bancaires, électroniques).
  • S’entourer : avocat spécialisé en droit pénal des affaires ou en droit des personnes.
  • Aller au bout : ne pas hésiter à combiner abus de faiblesse et escroquerie (art. 313-1 C. pén.).

Pourquoi est-ce un outil juridique si puissant ?

Contrairement à l’escroquerie, qui suppose de démontrer un stratagème frauduleux bien identifié (mensonge, mise en scène…), l’abus de faiblesse repose sur l’état de la victime, ce qui permet d’élargir la palette de situations reconnues.

Cela peut être particulièrement utile lorsque :

  • La victime a donné son consentement à une opération (ex : investissement), mais dans un état d’esprit altéré par la peur, la solitude ou une pression constante.
  • L’auteur a adopté un comportement d’emprise ou de harcèlement moral, difficile à qualifier pénalement par d’autres biais.

La loi punit l’abus de faiblesse de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende, des peines pouvant être doublées si la victime a plus de 65 ans ou est en situation de handicap.

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